Page 40 Volume 10, Número 1, 2002
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S. Cady: Douleur et Psychosomatique
une représentation de l’impasse : elle renvoie au deuil repère l’apparition d’une même situation de douleur et
maternel et à la perte du mari. de dépersonnalisation lorsque elle était en crise aller-
En relaxation, elle voit en rêve son mari et sa mère, gique, un autre conflit sans issue. Ici, avec la con-
à côté d’elle. Ce sont deux personnes semblables. Par frontation à l’impasse, la douleur devient
la suite, toujours en relaxation, elle voit en rêve trois plus forte.
masques : deux masques identiques la représentent Une difficulté apparaît maintenant, elle se traduit par
ainsi que son mari. Ils s’encastrent l’un dans l’autre, un un retour au refoulement de l’affect et de l’imaginaire
autre masque qui représente la mère, les recouvre. Elle avec absence de douleur. En effet, les efforts de Mme.
compare leur agencement spatial aux poupées russes. D. pour restituer son environnement dans un circuit
Elle relie ce rêve au fait que l’image maternelle lui maternel, semblent échouer. Elle ne se sent pas aimée
donne son identité et qu’elle n’a pas su faire le deuil de par les gens du pays. Malgré ses tentatives, elle est
sa mère. Ceci lui permet de comprendre pourquoi la mise à l’écart. Ceci a une répercussion sur la maladie
retraite ne pouvait qu’être envisagée dans “ sa maison qui s’aggrave. De ce fait, elle doit revenir à Paris, et
de rêve ”, puisqu’elle est liée à la relation maternelle. reste hospitalisée. Elle demande conseil pour se faire
Elle voulait même y monter une affaire en rapport avec soigner, comme elle l’aurait fait avec sa mère. La
les plantes, une passion de sa mère. Des problèmes thérapeute joue le jeu de l’aide régressive. Ceci lui
financiers l’en ont empêchée. Si elle avait pu investir permet de rêver de sa mère : elle a une ressemblance
dans une affaire de ce genre, elle aurait évité cette avec la thérapeute. Or, avec cette récupération de
tension corporelle et la maladie, elle aurait en fait l’impasse affective maternelle, la douleur, qui avait
adouci “ la mort de son mari ” (un lapsus pour départ) 6 pour un temps disparu, réapparaît, elle correspond à
en retrouvant ce projet. Puisqu’il correspond au rêve une possibilité d’être en contact avec ce qui a été
de sa mère : elle aurait gardé quelque chose de la refoulé : l’affect porté par l’imaginaire qui renvoie à la
relation maternelle en elle. La non réalisation de ce perte du mari. Mme. D. hésite sur les bienfaits de
plan, la confronte à un double deuil (mère-mari), et l’activité onirique qu’elle relie au processus de douleur.
“ elle s’est vidée ” (vidé est un terme qui exprime un Le dépassement de l’impasse : l’évolution du pro-
problème d’identité et de dépression). cessus douloureux.
Dynamisé par la relaxation, maintenant en situation A partir de l’hospitalisation et aux vues du dernier
allongée (qui confronte à l’impasse autour de quitter), rêve, elle décide de venir tous les quinze jours, et reste
l’onirique se mobilise par des rêves autour de ce à Paris, deux semaines par mois. C’est la première fois
thème. Avec cet abord de l’impasse de la perte, qu’elle fait preuve de décision.
une période de douleur au dos permanente Là, l’imaginaire se réinstalle lorsque la patiente est
apparaît. sur Paris ; il demeure absent lorsqu’elle est à la maison
Jouer sa mère dans le transfert va permettre à Mme. de campagne où elle n’a pas de relation et demeure de
D. d’aborder l’impasse affective. C’est ce qui se crée ce fait dans l’impasse affective, sans existence person-
maintenant, dans cet espace de psychodrame où elle nelle par l’imaginaire et sans douleur.
prend un rôle maternel, donnant à la thérapeute les En décidant de revoir son mari sur Paris, elle aborde
enseignements appris de sa mère, sur les plantes. le problème ancien de la différence, elle s’aide en cela
C’est une manière nouvelle, car active, de rentrer en d’exercices de relaxation autour de ce thème. Elle
relation. Elle est accompagnée en relaxation d’une comprend son malaise lors de la décision de sa retraite
même dynamique, avec un travail personnel sur le plan car cela la différencie de son mari. Fuir à la campagne,
de l’affect corporel avec le ressenti du corps. compenser la problématique de quitter en retrouvant
Cette évolution est amenée à la campagne, ce qui la cette maison qui recouvre sa mère (le projet de la
dynamise. Elle recherche des personnes qui peuvent construction étant induit par le mari), fut sa manière à
fonctionner en tant qu’images maternelles, car elles elle de s’en sortir. Or elle ne s’est pas vue confrontée
sont capables de la documenter sur les plantes. Elle se à une situation de différenciation ingérable : à un terri-
sent mieux. Elle rêve par intermittence. Mais ce sont ble deuil.
des cauchemars, les mêmes qu’avant de se couper de Elle décide de rester plus longtemps sur Paris, de se
son imaginaire en perdant son mari, mais aussi les rapprocher de son mari. Cela lui permet d’évoluer vers
mêmes qu’à la mort de sa mère, explique-t-elle. Dans un fonctionnement plus onirique, en récupérant quel-
ce rêve “ deux personnages sont coupés en deux, leur ques rêves oedipiens. Dans cet espace lié au retour du
image se défait, ils tombent dans le vide ”. Le terme refoulé, un fonctionnement onirique plus intense appa-
“ vide ” correspondait précédemment à un problème raît, la symptomatologie régresse, mais la douleur est
d’identité et de dépression. plus intense et le sujet plus tendu.
Autour de ce récit, qui répercute l’impasse, elle est La douleur est mieux supportée car elle peut être
agitée par la douleur et manipule ses boutons avec associée au processus de peur de la perte de la
véhémence. Consécutivement, elle aborde l’histoire relation. L’interprétation de la situation oedipienne va
de son cancer. Elle prend conscience du rôle du retour de permettre d’ouvrir le chemin de l’identification. Avec la
son mari sur Paris en l’associant à la maladie. Elle
6 Notons ici que la formulation du lapsus (mort du mari)
correspond à une levée du refoulement de la fonction de DOR
5 Qui répercutent la problématique de quitter et fonctionnent l’imaginaire, permettant le retour d’un équivalent de rêve lié
en cela, en tant qu’équivalent d’interprétation. au langage. 39

